Remise tardive des documents de fin de contrat : remise en cause du principe du « préjudice nécessai
La Cour de cassation a reconnu, dans diverses situations, qu’un manquement de l’employeur à ses obligations légales et contractuelles pouvait « nécessairement causer un préjudice » au salarié.
Dans son arrêt du 13 avril 2016 (n°14-28293), la Cour de cassation est revenue sur ce principe, estimant désormais que « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ».
En l’espèce, un salarié avait saisi le Conseil de prud’hommes aux fins de remise, sous astreinte, d’un certificat de travail et de bulletins de paie. En dépit de la communication de ces documents lors de l’audience de conciliation, il avait maintenu sa demande en paiement de dommages-intérêts du seul fait de la remise tardive.
Il est vrai que le Code du travail oblige l'employeur à remettre au salarié son bulletin de « lors du paiement du salaire » (C. trav. art. L. 3243-2) et son certificat de travail « à l’expiration du contrat de travail » (C. trav. art. L. 1234-19).
La jurisprudence a déjà admis qu’un retard dans la remise de ces documents est susceptible de justifier l’octroi de dommages-intérêts, mais à condition que le salarié démontre que ce retard lui a causé un préjudice, par exemple en l’empêchant de faire valoir ses droits auprès de Pôle Emploi (Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 03-46055 à propos du certificat de travail ; Cass. soc., 20 janvier 1999, n° 96-45042 à propos du bulletin de paie).
Or, ici, le salarié s’était contenté d’invoquer un préjudice automatiquement constitué, résultant de la seule méconnaissance par l’employeur de son obligation légale, sans justifier de l’existence réelle de celui-ci.
Il se référait pour cela à une jurisprudence dégagée à l’égard de l’attestation Pôle Emploi, pour laquelle la Cour de cassation avait précédemment jugé que le défaut ou le retard de délivrance entraînait « nécessairement un préjudice qui doit être réparé par les juges du fond » (Cass. soc., 17 septembre 2014, n° 13-18850).
Or, dans son arrêt du 13 avril 2016, la Cour de cassation subordonne désormais le droit à indemnisation du salarié, pour délivrance tardive du certificat de travail et du bulletin de paie, à la preuve par ce dernier de l’existence d’un préjudice.
A défaut, les juges du fond peuvent, en vertu de leur pouvoir souverain d’appréciation, juger qu’aucun préjudice justifiant l’octroi de dommages-intérêts n’est constitué.
En écartant la notion de « préjudice nécessaire » et en publiant sa décision au rapport annuel, la Cour de cassation nous prévient que cet arrêt n'est probablement que le premier d'une série d'évolutions jurisprudentielles, concernant d'autres situations dans lesquelles un préjudice nécessaire ou automatique avait précédemment été reconnu.
C’est notamment le cas de la remise tardive de l’attestation Pôle Emploi (Cass. soc., 13 juin 2007, n° 06-41189), de l’absence de mention relative à la convention collective applicable sur le bulletin de paie (Cass. soc., 4 mars 2015, n° 13-26312), de la stipulation d’une clause de non-concurrence nulle (Cass. soc., 12 janvier 2011, n° 08-45280) ou encore de l’inobservation de la procédure de licenciement (Cass. soc., 18 février 1998, n° 95-42500).
Dans cette attente, les salariés, s’ils comptent obtenir une indemnisation, auront tout intérêt à apporter au juge du fond les éléments justifiant de la réalité de leur préjudice.
Camille COLOMBO
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