Propositions de reclassement du salarié inapte : pas d’écrit obligatoire
Lorsqu'un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, le Code du travail impose à l'employeur de procéder à des recherches de reclassement pour ce salarié avant de procéder à son éventuel licenciement.
Plusieurs questions se posent alors : un formalisme particulier existe-t-il en matière de proposition de reclassement ? Cette obligation donne-t-elle lieu à un écrit ? L'absence d'écrit prive-t-elle le licenciement de cause réelle et sérieuse ?
C’est ce qu’a tranché la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 31 mars 2016 (n°14-28314).
En l’espèce, suite à un arrêt de travail pour maladie non professionnelle, un salarié avait été déclaré inapte à son poste de travail.
Licencié pour inaptitude suite à son impossibilité de reclassement, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes afin de contester la validité de la rupture de son contrat de travail. En effet, ce dernier estimait que son employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement, notamment en raison de l'absence de proposition écrite de reclassement.
La Cour d'Appel d'Amiens lui a donné raison, estimant « qu’en s’abstenant de proposer par écrit au salarié des postes caissier, d’employé commercial et d’hôte d’accueil conformes aux préconisations du médecin du travail et disponibles, l’employeur n’a pas respecté son obligation reclassement ».
La Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel, au visa de l’article L. 1226-2 du Code du travail.
Selon cet article, l'obligation de reclassement ne fait pas référence à un formalisme particulier.
Par ailleurs, aucun texte n'exige que la proposition de reclassement, à destination du salarié inapte, ne soit effectuée par écrit ; seules les offres de reclassement consécutives à un licenciement économique doivent satisfaire à cette exigence.
Ainsi, la Haute juridiction a estimé que « la Cour d’appel a[vait] ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas ».
Dès lors, un employeur ne peut pas être sanctionné lorsqu’il n’a pas remis par écrit au salarié inapte des propositions de reclassement.
Cependant, l'obligation de loyauté de l'employeur et la charge de la preuve pesant sur lui viennent tempérer cet arrêt.
En effet, pour que celui-ci soit considéré comme ayant rempli son obligation de reclassement, la proposition faite au salarié doit être précise (Cass. Soc. 10 décembre 2002, n° 00-46231), sérieuse, et dans un emploi compatible avec ses capacités réduites et les conclusions écrites du médecin du travail (article L.1226-2 du Code du travail ; Cass. Soc. 20 septembre 2006, n° 05-40295).
Il appartient à l'employeur de prouver la réalité et le sérieux de sa recherche de reclassement.
Il doit également rapporter la preuve de l'impossibilité de procéder au reclassement du salarié (Cass. Soc. 15 février 2011, n° 09-42137).
A ce titre, les conséquences du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement d'un salarié inapte, selon que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle, sont particulièrement lourdes.
Ainsi, en cas d’inaptitude d'origine professionnelle, le Conseil de prud’hommes peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si le salarié refuse la réintégration ou si l'employeur s'oppose à celle-ci, le Conseil octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L1226-14 du Code du travail.
La méconnaissance de l'obligation de reclassement est, quant à elle, sanctionnée par une indemnité égale à 1 mois de salaire. ( article L. 1235-2 du Code du travail ; Cass. Soc. 16 décembre 2010, n° 09-67446)
En cas d’inaptitude d'origine non professionnelle, le licenciement prononcé en méconnaissance de l'obligation de reclassement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, l’oralité d’une proposition de reclassement restant extrêmement difficile à prouver, il est tout de même recommandé aux employeurs de formuler leur proposition par écrit (sous forme de lettre recommandée avec accusé de réception ou de lettre remise en main propre contre décharge), afin de garder une trace des propositions faites au salarié en cas de contentieux.
Camille COLOMBO
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