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Ordonnances Macron : quelles nouveautés pour les indemnités prud'homales en cas de licenciement

Le 31 août dernier, le Premier Ministre et la Ministre du Travail ont présenté cinq nouvelles ordonnances, dites "ordonnances Travail". Elles ont été publiées au Journal Officiel hier, 23 septembre 2017.

L'ordonnance « prévisibilité et sécurisation des relations de travail » prévoit notamment les nouvelles dispositions concernant l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et en cas de prud’hommes.

Le présent article synthétise les principales mesures contenues dans l’ordonnance.

I. Réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse

1) Entreprises d’au moins 11 salariés : l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est comprise entre 3 et 20 mois de salaire brut, selon l’ancienneté du salarié

Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé, suivant l’ancienneté du salarié, entre 3 et 20 mois de salaire brut :

Ancienneté du salarié (en années) Indemnité min. Indemnité max.

1 1 2

2 3 3,5

3 3 4

4 3 5

5 3 6

6 3 7

7 3 8

8 3 8

9 3 9

10 3 10

11 3 10,5

12 3 11

13 3 11,5

14 3 12

15 3 13

16 3 13,5

17 3 14

18 3 14,5

19 3 15

20 3 15,5

21 3 16

22 3 16,5

23 3 17

24 3 17,5

25 3 18

26 3 18,5

27 3 19

28 3 19,5

29 3 20

30 et au-delà 3 20

a) Détermination du montant de l’indemnité

« Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture » (ord., art.2).

b) Cumul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec d’autres indemnités

Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12 (non-respect de la consultation des IRP ou d’information de l’autorité administrative en cas de licenciement économique), L. 1235-13 (non-respect de la priorité de réembauchage) et L. 1235-15 (absence de PV de carence pour les DP ou le CE), dans la limite des montants maximaux prévus à l’article L. 1235-3 du Code du travail (ord., art.2).

2) Entreprises de moins de 11 salariés : l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixée entre 0,5 et 20 mois de salaire brut, selon l’ancienneté du salarié

Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé, suivant l’ancienneté du salarié, entre 0,5 et 20 mois de salaire brut :

Ancienneté du salarié (en années) Indemnité min. Indemnité max.

1 0,5 2

2 0,5 2

3 1 4

4 1 5

5 1,5 6

6 1,5 7

7 2 8

8 2 8

9 2,5 9

10 2,5 10

Au-delà de 10 ans d’ancienneté, il faut se reporter au tableau figurant au paragraphe ci-dessus pour les montants minimaux et maximaux d’indemnités.

3) Exclusion du « barème plafonné » en cas de licenciement nul en application d’une disposition législative en vigueur ou intervenu en violation d’une liberté fondamentale

Le « barème plafonné » figurant aux paragraphes ci-dessus n’est pas applicable « lorsque le juge constate que le licenciement est nul en application d’une disposition législative en vigueur ou qu’il est intervenu en violation d’une liberté fondamentale » (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail).

Dans ce cas, le salarié qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou dont la réintégration est impossible a droit à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Le juge n’est alors tenu par aucun plafond d’indemnité.

D'après l’ordonnance, le « barème plafonné » n'est pas applicable dans les cas suivants :

  • Nullité d’un licenciement du fait de la violation d’une liberté fondamentale ;

  • Nullité d’un licenciement consécutif à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

  • Nullité d’un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues à l’article L. 1134-4 ;

  • Nullité d’un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3 ;

  • Nullité d’un licenciement consécutif en matière de dénonciation de crimes et délits dans les conditions prévues à l’article L. 1232-3-3, ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre premier du titre premier du livre IV de la deuxième partie, ainsi que des protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13 (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail).

Cette indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû, pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail).

Le « barème » s’applique cependant en cas de résiliation judiciaire ou en cas de saisine directe du bureau de jugement (prise d’acte de rupture ou requalification de CDD en CDI) (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail).

4) Licenciement nul suite à l’absence de validation ou d’homologation de PSE (article L. 1235-11 modifié du Code du travail)

Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l’article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site ou de l’absence d’emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (auparavant 12 derniers mois).

5) Augmentation du montant de l’indemnité légale de licenciement

L’indemnité légale de licenciement passe de 1/5e de mois de salaire brut par année d’ancienneté à 1/4 (Décret à paraitre avec la publication de l’ordonnance).

Il faut savoir que beaucoup de conventions collectives prévoient déjà un montant d’indemnité conventionnelle de licenciement supérieur à l’indemnité légale (ex : la convention collective SYNTEC ou celle de la publicité prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement d’au moins 1/3 de mois de salaire brut par année d’ancienneté).

Par ailleurs, un salarié est éligible à l’indemnité de licenciement à compter de 8 mois (contre 1 an auparavant) d’ancienneté (ord. ; article 42).

II. Dispositions diverses de l’ordonnance relatives à forme du licenciement

1) Modèle de lettre de licenciement

L’employeur peut désormais utiliser un modèle de lettre de licenciement qui sera déterminé par décret en Conseil d’État (article L. 1232-6 nouveau du Code du travail). C’est une faculté, mais pas une obligation.

Ce modèle, qui sera probablement un formulaire-type CERFA, fixe les droits et obligations de chaque partie.

2) L’employeur peut préciser ou compléter la lettre de licenciement

a) La lettre de licenciement peut être précisée ou complétée par l’employeur ou à la demande du salarié

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés ou complétés, soit par l’employeur, soit à la demande du salarié, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État (Art. L. 1235-2 nouveau du Code du travail).

La lettre de licenciement, complétée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

b) Une insuffisance de motivation ne prive pas à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse

A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa 1er, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire (ord. Art. 4 III).

En l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du défaut de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité allouée conformément aux dispositions de l’article L.1235-3 (ord. Art. 4 III).

3) Irrégularités de forme : réparation par une indemnité ne pouvant excéder un mois de salaire

Lorsqu’une irrégularité de forme a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L.1232-2, L.1232-3, L.1232-4, L.1233-11, L.1233-12 et L.1233-13 du Code du travail ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

4) Pluralité de motifs de licenciement

En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté ou un droit fondamental, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L.1235-3-1 (Art. L. 1235-2-1 nouveau du Code du travail).

5) Non-respect de priorité de réembauchage (article L. 1235-13 modifié du Code du travail)

En cas de non-respect de la priorité de réembauchage prévue à l’article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire (auparavant 2 mois).

6) Définition du périmètre d’appréciation de la cause économique du licenciement

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (Ord. ; art. 18).

Jusqu’à présent, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’appréciaient au sein du groupe, y compris au niveau international (Cass. Soc., 5 avril 1995, n°93-43866).

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché (Art. L. 1233-3 nouveau du Code du travail).

7) Non-transmission de CDD ou de contrat d’intérim dans le délai de 2 jours suivant l'embauche

La méconnaissance de l’obligation de transmission dans le délai de 2 jours ne saura plus désormais, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée.

Elle ouvre seulement droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire (Art. L. 1245-1 nouveau du Code du travail).

Cette règle s’applique aux entreprises de travail temporaire, pour les contrats d'intérim (Art. L. 1251-40 nouveau du Code du travail).

III. Délai de recours, entrée en vigueur de l'ordonnance et procédures prud’homales en cours

1) Délai de recours de 12 mois en cas de rupture du contrat de travail

Le salarié dispose désormais de 12 mois pour contester son licenciement devant le Conseil de prud’hommes (Art. L. 1471-1 nouveau du code du travail). Le délai de contestation du licenciement était auparavant de 2 ans .

Ce délai court à compter de la notification de la rupture (Art. L. 1471-1 nouveau du Code du travail).

2) A partir de quand s’applique l’ordonnance ?

Les dispositions sur le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont applicables aux licenciements notifiés postérieurement à la publication de l’ordonnance, soit à compter du 24 septembre 2017 (ord. , art. 43).

Les dispositions prévues aux articles 5 et 6 sur la prescription de 12 mois s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de l’ordonnance (ord. art. 43).

3) Procédures prud’homales initiées avant la publication de l’ordonnance

Lorsqu’une instance prud’homale a été introduite avant la promulgation de l’ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel et en cassation (ord., art. 43).

Cela signifie que les procédures prud’homales introduites avant la publication de l’ordonnance sont soumises à la loi ancienne.

Camille COLOMBO

Cabinet d'Avocats Frédéric CHHUM 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes

Tel: 02 28 44 26 44

colombo@chhum-avocats.com

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